A dix jours de la présidentielle en Iran, la campagne s’intensifie entre les six candidats en lice, qui divergent sur la stratégie pour relancer l’économie, affectée par les sévères sanctions internationales.
Jusqu’à présent feutrée, la campagne devrait s’animer à l’approche de cette élection organisée à la hâte pour remplacer le président Ebrahim Raïssi, décédé en mai dans un accident d’hélicoptère.
La dernière ligne droite a débuté avec le premier des cinq débats télévisés qui a rassemblé les six candidats lundi soir.
Durant quatre heures, ils ont détaillé leurs solutions pour résoudre les problèmes économiques, préoccupation centrale des électeurs, dont beaucoup peinent à joindre les deux bouts.
Les quelque 85 millions d’Iraniens sont en effet confrontés à une très forte inflation, de l’ordre de 40%, à un chômage élevé et à la dépréciation record du rial, la monnaie nationale, par rapport au dollar.
Le gouvernement vante néanmoins la bonne tenue de la croissance, qui s’est élevée à 5,7% durant les 12 mois clos en mars. Il table sur 8% pour cette année, grâce à la progression des exportations d’hydrocarbures.
« Je promets aux travailleurs et aux retraités que nous renforcerons l’économie » afin de lutter « contre l’inflation » et de « préserver leur pouvoir d’achat », a déclaré lors du débat Mohammad-Bagher Ghalibaf, le président du Parlement.
En l’absence de sondages, ce candidat conservateur est considéré par les experts comme l’un des trois favoris de l’élection, avec Saïd Jalili, l’ancien négociateur ultraconservateur du dossier nucléaire, et Massoud Pezeshkian, député de Tabriz (nord-ouest) et ancien ministre de la Santé.
Ce dernier a la lourde tâche de ranimer le courant réformateur qui a perdu ces dernières années l’influence politique qu’il avait depuis la révolution islamique de 1979.
Levée des sanctions
Aucune personnalité réformatrice ou modérée n’avait été autorisée à se présenter à la présidentielle de 2021, après avoir été disqualifiée par le Conseil des gardiens de la Constitution, organe dominé par les conservateurs. Ce scrutin avait été facilement remportée par Ebrahim Raïssi, le candidat du camp conservateur et ultraconservateur, soutenu par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.
Au cours du débat télévisé, trois des six candidats, dont MM. Ghalibaf et Pezeshkian, ont estimé que la priorité devait être donnée à la levée des sanctions affectant l’économie depuis la sortie unilatérale des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire en 2018.
Washington impose notamment un embargo sur les produits pétroliers, l’aéronautique et le secteur minier. Il interdit l’utilisation du dollar dans les transactions commerciales avec l’Iran.
« Si nous pouvions lever les sanctions, les Iraniens pourraient vivre confortablement », a assuré M. Pezeshkian mardi, en affirmant que, s’il était élu, l’Iran ne serait « ni anti-Occident ni anti-Est ».
Pour lui, « il est impossible d’atteindre l’objectif d’une croissance de 8% » sans rétablir des relations économiques normales « avec les autres pays », dont les Occidentaux, qui ont totalement déserté l’Iran ces dernières années.
L’un de ses soutiens, l’ex-ministre des Affaires étrangères Javad Zarif a rappelé que l’Iran avait bénéficié d’« une inflation à un chiffre et d’une croissance économique à deux chiffres » à la suite de l’accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec les grandes puissances.
Un autre candidat, le conservateur Amir Hossein Ghazizadeh Hashemi, a évalué à « 250 milliards de dollars » le montant des investissements nécessaires, notamment pour moderniser les secteurs clés de production de pétrole et de gaz.
A cause des sanctions, « les transferts financiers sont devenus impossibles et notre économie est bloquée », a regretté Mostafa Pourmohammadi, le seul religieux candidat à la présidentielle.
Mais pour son concurrent Alireza Zakani, le maire ultraconservateur de Téhéran, « les problèmes de l’économie iranienne ne sont pas liés aux cruelles sanctions américaines ». « Nous devons promouvoir l’indépendance du pays », notamment en « dédollarisant l’économie », a-t-il proposé.
Durant les trois ans de sa présidence, Ebrahim Raïssi a mené une politique d’ouverture « à l’est », notamment en renforçant les liens économiques avec la Chine et la Russie, tout en se rabibochant avec les pays arabes, son rival saoudien en tête.
Dans le même temps, les relations ont continué à se détériorer avec les pays occidentaux, en particulier depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza en octobre, Téhéran se présentant comme le premier soutien du mouvement palestinien Hamas contre Israël.