Gabriel Attal n’ira pas à Canossa. Pas question pour lui d’abandonner ou de faire évoluer, fût-ce à la marge, la nouvelle réforme de l’assurance-chômage dont il a fait un de ses marqueurs politiques.
« Un décret sera pris d’ici au 1er juillet pour cette réforme qui reste sur des paramètres qui sont ceux qui avaient été mis en place lors de la réforme de 2019, et qui surtout s’accompagnent d’un meilleur accompagnement des chômeurs vers le retour à l’emploi », a affirmé le chef du gouvernement, ce jeudi sur France Inter. Sans cependant que son projet ne prévoit de renforcement du suivi des demandeurs d’emploi, traité par les réformes précédentes.
Fin de non-recevoir
Mercredi, lors de sa conférence de presse, tout en déclarant assumer son contenu, le président de la République, Emmanuel Macron, avait ouvert la voie à une pause. Il avait expliqué ne pas vouloir « préempter le jour d’après [les élections législatives, NDLR] et les discussions qui vont se faire, et donc si certains veulent l’améliorer, la changer ». « Je ne peux pas vous dire que je crois dans la coconstruction et vous dire que c’est intangible, ce ne serait pas cohérent », avait-il ajouté.
Gabriel Attal n’a, lui, évoqué aucune perspective d’évolution de sa réforme « qui consiste à dire, il faudra travailler huit mois sur les vingt derniers mois pour toucher le chômage », contre six mois sur vingt-quatre mois jusqu’ici.
Une forme de fin de non-recevoir adressée au chef de l’Etat ? En tout cas, ce n’est pas le scénario que ce dernier envisageait et qu’a soutenu jeudi matin Bruno Le Maire sur Sud Radio. « Le président de la République a été très clair, le décret sera publié quand les discussions auront eu lieu après les élections législatives avec ceux qui veulent travailler avec nous ; il sera publié après les élections », a affirmé le ministre de l’Economie.
« On est obligé de sortir un décret sinon toutes les règles tombent au 1er juillet, cela ne retire rien à ce que le président de la République a dit car un nouveau décret peut parfaitement être pris d’ici à la fin de l’année », explique un proche du chef de l’Etat. Un scenario qui n’a cependant pas du tout été évoqué par Gabriel Attal.
Opinion publique partagée
Le Premier ministre, qui a confirmé qu’il dirigerait la campagne électorale du camp présidentiel, veut au contraire faire de sa réforme un argument électoral : « Nous, au moins, c’est clair, les Français savent, on n’augmente pas les impôts, il y a une réforme de l’assurance-chômage, on veut baisser les émissions de CO2 […] on veut continuer à agir pour la progression des droits des Français », a-t-il affirmé.
Un pari alors que l’opinion publique est partagée sur la refonte de l’indemnisation des chômeurs, le soutien l’emportant clairement chez les retraités et les cadres, tandis qu’une petite majorité de professions intermédiaires, d’employés et d’ouvriers y sont opposés. Ce qui explique sans doute l’engagement pris par Jordan Bardella de revenir sur la réforme en cas de victoire, lui qui, comme l’a rappelé Gabriel Attal, a renoncé à abroger la réforme des retraites. Dans l’immédiat en tout cas.
Le décret a été examiné mercredi à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) par les partenaires sociaux, étape obligée avant sa publication. Sans surprise, toutes les organisations syndicales, vent debout contre la réforme, ont voté contre. Le Medef et la CPME ont donné un avis favorable avec réserve sur le bonus-malus sur les contrats courts, tandis que l’U2P, qui continue de faire entendre sa petite musique différente dans le camp patronal, a pris acte.
Lors de cette réunion a été évoquée la possibilité que le projet de décret soit modifié, avec même l’annonce d’une éventuelle nouvelle réunion de la CNNC le 20 ou le 21 juin. Une piste qu’a exclue ce jeudi le Premier ministre. Le décret dit de jointure publié fin novembre 2023 garantit l’application des règles actuelles de l’assurance-chômage jusqu’au 30 juin. Il y a donc obligation d’en publier un nouveau au plus tard dans les tout premiers jours de juillet.