Arthur Nazaret est journaliste à Politiquement, où il traite des questions énergétiques et climatiques. Il est spécialiste du mouvement environnemental et a publié le 10 mai Le prophète qui avait raison (Seuil, « Reporterre », 240 pages, 13,50 euros).
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la campagne de René Dumont lors de l’élection présidentielle de 1974 ?
C’était la première fois qu’un écologiste se présentait à une élection présidentielle. C’est le baptême de l’écologie politique, l’entrée de ce mouvement, qui n’en est pas encore vraiment un, dans l’arène politique. Il raconte une campagne, mais aussi une époque : l’émergence de la question environnementale à la fin des années 1960 et au début des années 1970, avec la mobilisation autour du parc de la Vanoise, le discours de Georges Pompidou à Chicago sur le thème « Moralité de l’environnement », la lutte anti -démonstration nucléaire du Bugey, création du ministère de l’Environnement, dont le premier propriétaire est Robert Poujade, lancement de journaux écologistes… C’est une période très féconde où s’exprimeront les éléments d’écologie politique.
Et puis le personnage de René Dumont est extraordinaire : il avait alors 70 ans. Cet agronome au parcours hors du commun est particulièrement haut en couleur : il n’a pas peur d’aller au feu et annonce l’apocalypse avec le sourire. Il est à la fois très instruit et très décalé.
L’historique de la campagne montre un mois euphorique avec quelques succès de campagne, mais un résultat médiocre. La société française n’était pas prête ?
Dumont dit en substance que « la fête est finie » alors que nous sommes en période de croissance. Son discours n’est pas forcément audible. Meneur d’une campagne atypique, il affirme qu’il n’est pas là pour gagner des voix mais pour sensibiliser. Il sème pour d’autres qui récolteront. Il a été écouté mais souvent ridiculisé, notamment à gauche. Bref, il était un peu trop en avance sur son temps. Il faudra dix ans pour que les Verts soient fondés.
C’est d’ailleurs un moment où la gauche est unie [François Mitterrand est le candidat des socialistes et des communistes] et pense qu’il peut gagner. La démarche de René Dumont n’est donc pas toujours comprise ; Lui aussi a peur de gêner François Mitterrand. Enfin, l’électorat sensible à ces questions est en partie libertaire et ne veut pas participer à ce qu’il appelle une « mascarade électorale ».
Dumont a un côté amateur, mais il comprend et assimile les codes de la politique moderne. Son pull rouge et son verre d’eau ont marqué les esprits…
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