Heureuse et émue, Matcha Phornin attendait ce jour avec impatience. Mardi 18 juin, le Sénat a adopté en troisième lecture, à une large majorité, le projet de loi autorisant l’union entre personnes du même sexe. La promulgation du texte par le roi n’est plus qu’une simple formalité. « Avec ma compagne, on va enfin pouvoir se marier », se réjouit la militante thaïlandaise de 44 ans. La Thaïlande va ainsi devenir officiellement le premier pays d’Asie du Sud-Est à autoriser l’union entre personnes de même sexe. Et le troisième en Asie, après Taïwan et le Népal.
« Le vote d’aujourd’hui marque un moment historique », se félicite Mookdapa Yangyuenpradorn, spécialiste des questions de genre pour l’ONG Fortify Rights. « Nous sommes une famille de coureuses, alors on va célébrer la victoire de ce long combat en organisant une course à la montagne avec nos proches », lance Matcha Phornin, présidente d’une ONG à Chiang Mai.
« Homme » et « femme » remplacés par « individu »
La loi doit modifier la partie du code civil relative au mariage pour que des termes neutres soient employés, en remplaçant « mari » et « femme » par « époux », ainsi que « homme » et « femme » par « individu ». « Cette législation permettra à deux personnes, quel que soit leur sexe, de s’enregistrer légalement en tant qu’époux, ce qui leur conférera la même dignité, les mêmes droits et les mêmes responsabilités que les couples hétérosexuels traditionnellement mariés », résume Nada Chaiyajit, professeure de droit à l’université Mae Fah Luang, à Chiang Rai.
En se mariant, Matcha Phornin et sa future épouse pourront ainsi bénéficier des mêmes droits familiaux et prestations sociales dont jouissent un homme et une femme mariés. « Si je meurs aujourd’hui, ma compagne ne peut pas toucher d’héritage, précise-t-elle. En cas de grave souci de santé, il lui est impossible de signer un document en mon nom. D’un point de vue légal, ma mère, qui a plus de 80 ans et vit dans une autre province, est censée le faire. Ce qui lui est impossible. » Le couple pourra également adopter légalement sa fille de 20 ans, élevée depuis son plus jeune âge.
Vu à travers les yeux des étrangers qui profitent de la vie nocturne de Bangkok ou de Pattaya, la Thaïlande – dont 9 % des 71 millions d’habitants s’identifient « LGBTQI », selon un sondage – serait un paradis pour les communautés. Or cette image ne reflète pas la réalité du royaume. « La violence contre nous ne s’opère pas dans la rue, elle n’est pas physique mais institutionnelle, plus subtile », explique la militante Hua Boonyapisomparn, qui cite un rapport de la Banque mondiale indiquant que 77 % des personnes transgenres ont essuyé un refus d’embauche. « Le mariage pour tous n’est pas une fin en soi, ce n’est que le début », affirme une femme trans qui militait depuis plus de vingt ans pour sa légalisation.