LLe 20 mai, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a soumis à la Chambre préliminaire I des demandes d’émission de mandats d’arrêt liés à la situation dans l’État de Palestine. Beaucoup pensaient au départ que les mandats d’arrêt avaient été émis, mais se sont ensuite rendu compte qu’il appartenait en réalité aux juges d’accéder en tout ou en partie à la demande de Karim Khan.
La tâche n’est pas facile et la responsabilité qui repose sur les épaules des juges est lourde. Ces derniers n’ont désormais que peu de marge de manœuvre pour rejeter la demande du procureur de la République qui l’a rendue publique. En principe, il est rare à ce stade de communiquer sur le simple dépôt de candidatures. Mais il s’agit clairement d’une situation sans précédent dans laquelle des attentes particulières sont placées sur la Cour et dans laquelle l’avenir de la justice pénale internationale est plus que jamais en jeu.
Si les mandats d’arrêt sont émis, on pourra alors compter sur la coopération des 124 États contractants à la Cour pénale internationale pour arrêter les suspects, à condition qu’ils se trouvent sur l’un de leurs territoires. Tout dépendra donc des Etats et de leur bonne volonté.
Ouvrir « la porte à tout »
Dans le scénario le plus probable, les suspects ne seront pas arrêtés (ce qui se voit à la difficulté qu’éprouve encore le tribunal à les arrêter). Omar Al Béchir), comment faut-il les juger ? Plusieurs voix s’élèvent et réclament que le procès se tienne par contumace ou en l’absence [en l’absence de la personne intéressée]. Un collectif de praticiens animé par Catherine Mabille, Bruno Cotte et François Roux propose de modifier le Statut de Rome [nom du traité qui a créé la Cour pénale internationale] inclure la possibilité de jugement en l’absence. Pour les universitaires Julian Fernandez et Serge Sur, la CPI est condamnée à le faire en raison de l’impossibilité de juger par contumace. « Rôle du spectateur engagé » [dans une tribune publiée dans Le Monde le 4 juin]. En fin de compte, beaucoup conviennent qu’il faut « faire quelque chose ».
Dans la pratique, la simple évocation d’une modification du Statut de Rome a toujours effrayé la plupart des acteurs de la justice pénale internationale. Un changement de statut ouvrirait « la porte à tout » et surtout la porte de sortie : de nombreux États préféreraient se retirer de l’instrument juridique. Ces arguments ont été justifiés lorsque le tribunal est tombé en désuétude et a été déçu.
L’intérêt renouvelé pour la justice pénale internationale et la CPI n’a jamais été aussi grand et des espoirs déçus ont été ravivés. En supposant que le Statut de Rome soit amendé, comment jugerions-nous Vladimir Poutine ou Benjamin Netanyahu, deux chefs d’État qui se sont tous deux fortement opposés à la Cour et ne reconnaissent pas son autorité ? Les juger signifie inévitablement un processus juste et contradictoire. Comment alors imaginer un tel procès et assurer sa légitimité sans la présence et le soutien des accusés ?
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