Carrefour, qui s’en défend, impose-t-il à ses franchisés une relation trop déséquilibrée? C’est l’avis de certains d’entre eux, qui l’ont assigné en justice, mais également du ministère de l’Economie, qui préconise une amende de 200 millions d’euros, faisant dévisser le cours de bourse du distributeur mardi.

Des conditions contractuelles « si manifestement déséquilibrées au détriment des franchisés » qu’il ne peut en résulter « que de la soumission de ceux-ci à ces obligations »: les « conclusions d’intervention volontaire » des services du ministère de l’Economie, révélées mardi par le média La Lettre et que l’AFP a pu consulter, sont très critiques vis-à-vis de Carrefour.

Les pratiques de ce dernier sont, selon le document de 160 pages, « caractéristiques de pratiques restrictives de concurrence » et « consistent très concrètement à asphyxier les franchisés en usant d’une position de force ».

Le groupe a contesté les conclusions de Bercy auprès de l’AFP. Après la révélation de l’information, l’action du seul distributeur du CAC 40 a toutefois dévissé de plus de 9%, touchant même un plus bas depuis novembre 2020, à 13,14 euros, avant de réduire légèrement ses pertes.

Association de franchisés mécontents

Le ministère de l’Economie, qui se base notamment sur une enquête menée par la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de Normandie entre juillet 2019 et mars 2022, a délivré ces conclusions dans le cadre d’une assignation émanant d’une « association des franchisés de Carrefour », qui rassemble des gérants de magasins en franchise mécontents, et déposée devant le tribunal de Rennes.

Bercy relève, dans les contrats entre Carrefour et ses franchisés, « de nombreuses obligations » qui sont « hors de proportion avec les règles habituelles de fonctionnement d’une franchise ».

Les distributeurs s’appuient de plus en plus sur un déploiement de magasins en franchise, modèle dans lequel des commerçants indépendants paient une redevance pour utiliser le nom de l’enseigne, et s’approvisionnent auprès de la centrale d’achat du distributeur.

Cela permet aux Carrefour, Casino (Monoprix, Franprix…) ou encore Auchan de conserver ou accroître leur surface de vente, sans supporter de nombreux coûts d’exploitation des magasins, salaires ou investissements par exemple.

Des différences existent toutefois, un concurrent ayant récemment assuré à l’AFP que son propre modèle laissait « beaucoup plus d’autonomie à ses franchisés que celui de Carrefour » par exemple.

Assignations

Pour Bercy, les pratiques de Carrefour « sont contraires à l’ordre public économique et justifient que soit prononcée une amende civile » d’un montant de 200 millions d’euros.

Le ministère de l’Economie préconise en outre que l’injonction à cesser les pratiques illégales soit assortie d’une astreinte de 50.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement que doit prononcer le tribunal de Rennes.

Ces conclusions ne préjugent pas de la décision de ce tribunal, qui ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois, selon un bon connaisseur du dossier ayant requis l’anonymat.

La franchise est en tout cas un pilier de la stratégie du PDG de Carrefour Alexandre Bompard, qui lui accorde une place sans cesse croissante dans le modèle de l’entreprise depuis son arrivée en 2017.

En France, le N.2 du secteur des supermarchés derrière E.Leclerc ne cesse d’ouvrir des magasins de petit format, dits de proximité, et fait aussi passer des plus gros magasins, hyper et supermarchés, en location-gérance, une variante de la franchise dans laquelle Carrefour reste propriétaire du fonds de commerce.

Cette pratique est toutefois contestée par les syndicats du distributeur, qui y voient une externalisation de magasins et de salariés, plus de 23.000 à ce jour, selon la CFDT dont la branche services a également assigné Carrefour en justice « pour pratique abusive de la location-gérance et de la franchise ».

Alexandre Bompard a récemment défendu cette politique permettant à Carrefour de ne pas fermer de magasins, dans un contexte « extraordinairement difficile » sous la « pression concurrentielle » de spécialistes du discount, comme Lidl ou Action, et de réseaux de magasins « indépendants », E.Leclerc, Intermarché, Coopérative U, « dont le modèle social n’a rien à voir avec le nôtre ».



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