La Nupes est morte, vive la Nupes ! Vendredi, toutes les forces de gauche – LFI, PS, Ecologistes, PCF, etc. – ont dévoilé leur nouveau programme en vue des élections législatives de la fin du mois. La bannière a été revue – « Nouveau Front populaire » – et il a fallu de longues heures pour accoucher d’une position revue sur les questions internationales.

Mais les vestiges de 2022 n’ont pas complètement disparu : le programme économique décalque largement celui promulgué il y a deux ans, quand LFI était hégémonique à gauche. Avec à la clé, assez logiquement, une multiplication de mesures très coûteuses – sans doute du jamais vu au plan budgétaire – censées être financées par un net alourdissement du poids fiscal. Le goût pour le protectionnisme est aussi revendiqué, avec la sortie de tous les traités de libre-échange.

Facture lourde pour le budget

Ce positionnement est clairement assumé. Manuel Bompard, le bras droit de Jean-Luc Mélenchon chez les Insoumis, évoque ainsi un « programme de rupture ». La rupture vaut déjà pour les années Macron. Le Nouveau Front populaire veut abroger plusieurs lois emblématiques du chef de l’Etat si jamais il arrivait au pouvoir, notamment celle des retraites et de l’assurance-chômage.

Mais cet effacement ne serait que le prélude d’une avalanche de mesures nouvelles. Rien qu’à l’été, l’alliance entend bloquer les prix des biens de première nécessité dans l’alimentation, l’énergie et les carburants, mais aussi augmenter les retraités bénéficiant du minimum contributif, faire passer le SMIC à 1.600 euros ou revaloriser les APL.

La facture pour les finances publiques s’annonce lourde. Parmi les mesures coûteuses et présentées comme immédiates, on peut citer la hausse de 10 % du point d’indice des fonctionnaires (près de 20 milliards) ou la gratuité intégrale à l’école (chiffrée à 7 milliards par l’Institut Montaigne il y a deux ans).

L’inconnue des retraites

Mais la calculette pourrait s’emballer puisque le Nouveau Front Populaire veut dans ses cent premiers jours annuler le retour partiel des taxes sur l’énergie à leur niveau d’origine (6 milliards) tout en instaurant la gratuité des premiers kWh, réduire les effectifs par classe à 19 élèves (6,8 milliards selon l’Institut Montaigne) ou encore instaurer une garantie d’autonomie pour les jeunes (au moins 12 milliards). Une petite révolution est aussi promise au monde économique, avec l’indexation des salaires sur l’inflation.

Reste une inconnue à potentiellement 50 milliards d’euros. Y aura-t-il une retraite à 60 ans durant un mandat « Nouveau Front populaire » ? Le texte du programme mentionne seulement « l’objectif commun du droit à la retraite à 60 ans ». Au sein de LFI, Clémence Guetté traduit cela comme « l’assurance de la retraite à 60 ans dans les cinq ans à venir ». « Cela dépendra des finances publiques », répond Olivier Faure (PS). « On a des visions différentes sur ce que cela veut dire », complète Yannick Jadot (Les Ecologistes).

Le flou n’est donc pas dissipé, tout comme celui sur le coût total de ce programme pour les finances publiques. Vendredi, les alliés de gauche ne pouvaient donner encore aucun chiffrage. Chez LFI, on indiquait toutefois que les mesures s’inspiraient du programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon, évalué à l’époque à 250 milliards d’euros de dépenses nouvelles par le candidat. Le gouvernement et Renaissance ont attaqué le Nouveau Front populaire, en parlant d’un gouffre à 287 milliards supprimant 1,2 million d’emplois.

Hausse des impôts

Il y a deux ans, une note du think-tank classé au centre gauche, Terra Nova, avait attaqué la stratégie budgétaire de la Nupes, en parlant d’un « désastre prévisible » qui ferait exploser les déficits. Les alliés ont pourtant choisi de persévérer, quand bien même le contexte économique s’est encore durci depuis : l’heure n’est plus au « quoi qu’il en coûte » avec la remontée des taux d’emprunt qui met les finances publiques sous pression.

« Nous ne sommes pas irresponsables au plan budgétaire », répond l’ancienne députée LFI Aurélie Trouvé. La relance de la demande est censée jouer sur l’activité et contribuer à financer une partie des mesures.

Surtout, une ribambelle de mesures fiscales (non précisées) est prévue, dont on peut estimer la facture provisoire à environ 80 milliards d’euros si on se réfère au programme de 2022 : rendre plus progressif l’impôt sur le revenu avec 14 tranches (pour 5 milliards de recettes en plus), supprimer la flat tax (1,8 milliard), rétablir et élargir l’ISF (15 milliards annoncés) ou renforcer l’impôt sur l’héritage (17 milliards). « Quand des personnes multiplient l’achat de yachts et d’hôtels de luxe et ont la capacité de faire front et de même s’enrichir pendant les crises, c’est à eux de contribuer », a expliqué Olivier Faure.

Le pacte budgétaire européen pas respecté

Tout le monde payera en revanche la hausse de 1,25 point des cotisations retraite (qui pèsera pour 16 milliards sur les ménages, selon le programme de Jean-Luc Mélenchon). Autre mesure, la suppression des niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes (54 milliards prévus). Plus tard dans la mandature doit intervenir une taxation renforcée sur les transactions financières (5 milliards). Petite nouveauté, une « taxe kilométrique sur les produits importés » (sans montants associés) est aussi prévue, qui paraît contraire au droit européen.

L’Europe, justement, pourrait s’inquiéter de ce big-bang budgétaire aux effets majeurs sur le déficit public. Et ce, d’autant plus que la France s’apprête la semaine prochaine à entrer dans une procédure pour déficit excessif lancée par la Commission européenne.

« Le pacte budgétaire européen, s’il faut ne pas le respecter, on ne le respectera pas. Mais notre programme prévoit bien une réduction du déficit de toute façon », prévient Aurélie Trouvé. Olivier Faure tente de rassurer en expliquant « ne pas croire que l’Union européenne viendra nous demander des corrections au lendemain d’une crise politique qui inquiète toute l’Europe ».

Troisième son de cloche, Yannick Jadot veut « renégocier les règles budgétaires européennes, comme François Hollande l’avait promis en 2012 ». Avec un succès assez limité au bout.



Source link

Share.
Leave A Reply

Exit mobile version